Les Rubis de Peter

Alale, West Pokot, Kenya, août 2023. C’était un mercredi, jour de marché à Alale. J’étais ébloui par les couleurs, tant des vêtements, que des bijoux : colliers, bracelets, boucles d’oreilles ou bandeaux de perles. Il fallait zigzaguer au milieux des gens venus des villages alentours, mais aussi des chèvres et des vaches. Des jeunes hommes profitaient de cette occasion pour flirter avec des jeunes filles de villages voisins comme dans une séance de speed dating tandis que les plus âgés venaient acheter ce qu’ils ne pouvaient trouver dans leurs villages et hameaux. J’aurais voulu prendre des photos, des portraits de ces gens, de ces femmes magnifiques, de ces hommes aux chapeaux à plume, mais des centaines d’yeux me fixaient avec curiosité et m’intimidaient…

Bakhita était occupée aujourd’hui, mais Kosgei (voir mon article Les Pokots des Plaines) m’avait confié à ses soins et elle prenait son rôle à cœur. Elle avait donc trouvé un pikipiki (moto-taxi) qui m’emmènerait à quelques kilomètres d’Alale. Erick parlait un peu Anglais et bien que son travail ne consistait théoriquement qu’à m’emmener là-bas à moto puis à me ramener à Alale, il me fut d’une grande aide.

C’est grâce à lui que je rencontrai Peter, qui devait avoir environ soixante ans. Avec son pantalon de ville, sa veste et son gilet par-dessus sa chemise, on aurait pu croire qu’il revenait de l’église, mais leur saleté indiquait qu’il s’agissait de ses vêtements quotidien. Il portait aux pieds des espèces de Crocs usés desquels un gros orteil s’échappait. Son aspect négligé indiquait sa pauvreté. Il vivait dans une maison de terre et de bois, juste à côté de son lieu de travail. Celui-ci ressemblait à un champ de bataille avec de nombreux trous dans le sol comme les stigmates d’un bombardement. De fait, il était bien ici question d’explosifs. Peter et quatre autres hommes du coin cherchaient de cette façon depuis 1996 dans la roche de cette colline des pierres précieuses : des rubis. Il rapporta de sa maison 3 petits sacs de plastique contenant de petits cailloux rosés qui semblaient sans valeur. Ils étaient vendus au kilo, un sac représentant environ 1000ksh (6,35€) et une semaine de travail. Parfois, s’il avait de la chance, il pouvait en trouver de plus gros, et alors le prix s’envolait, une seule pierre pouvant alors valoir plusieurs milliers de shillings. Peter et ses collègues avaient la possibilité d’avoir des revenus relativement importants pour cette région, mais Erick me faisait remarquer qu’ils avaient tendance à gaspiller l’argent gagné en alcool. D’ailleurs un voisin qui vint me montrer quelques gros rubis les avaient rangés dans une bouteille de waragi, un gin bas de gamme importé d’Ouganda.

Comme à Chepkalit, il y avait de l’or à Alale. Il y avait aussi des rubis, donc. De quoi faire rêver quelques Pokots sur les richesses de leurs terres.

Peter et ses rubis

Laisser un commentaire