
Inde, Septembre 2016. Si la vallée de Spiti est aujourd’hui bien moins isolée qu’elle ne l’a été, désormais accessible aux voitures, camions et bus, le voyage s’avère encore long et souvent périlleux. Les plus aisés peuvent prendre des taxis partagés, plus rapides, mais la plupart des habitants de la vallée – et certains étranges touristes – préfèrent prendre le bus, trois fois moins cher tout de même.
Lorsque j’ai pris le bus à Kaza pour quitter le Spiti, je savais à quoi m’attendre : environ 13h assis, balloté au gré de l’irrégularité de la piste et des nids de poules, des virages si serrés qu’on les passerait presque à l’arrêt, des traversées de cours d’eau sur des ponts délabrés, et la peur de tomber dans le vide en croisant un camion ou un autre bus sur cette route trop étroite.
Peu après le col du Kunzum, nous nous sommes ainsi retrouvés face à deux camions, et il devint rapidement évident que nos véhicules ne pouvaient pas se croiser, en tout cas pas à cet endroit. Notre chauffeur entreprit donc une marche arrière jusqu’à un passage plus large. A l’intérieur du bus, la tension était palpable : les accidents ne sont pas rares dans ces montagnes, et n’arrivent pas qu’aux autres. Une femme a finalement eu le courage d’admettre qu’elle avait peur et est sortie du bus, entraînant les autres passagers avec elle, le temps de la manœuvre. Seuls sont restés le chauffeur, le contrôleur, une femme malade qui ne semblait pas percevoir l’agitation autour d’elle, et un jeune homme, sans doute en manque d’adrénaline.
L’accident n’eut pas lieu, les trois conducteurs ayant une nouvelle fois prouvé leur talent. Mais dès demain et pendant des années, ils risqueront leurs vies encore et encore sur les routes himalayennes.