La chasse au lion

Si aujourd’hui il ne reste plus que quelques centaines de lions à l’état sauvage dans le Gujarat, il y a quelques siècles, on en trouvait dans toute l’Inde. Tuer cet animal redoutable était un privilège réservé aux rois et aux princes, mais le prestige qu’ils pouvaient en tirer était-il vraiment à la hauteur des risques pris ? On peut en douter quand on en lit la description :

« De toutes les chasses, celle du lion est la plus royale, parce qu’il n’y a que le roi et les princes qui la puissent faire, si ce n’est par une permission toute particulière, mais elle est aussi la plus périlleuse. Voici à peu près de quelle façon on s’y prend. Quand le roi est en campagne et que les gardes des chasses ont pu découvrir l’endroit où se retire le lion, ils attachent aux environs un âne que le lion ne manque pas de venir dévorer et, sans se mettre en peine d’aller chercher d’autres proie, c’est-à-dire des bœufs, des vaches, des moutons ou des bergers, il s’en va chercher à boire et s’en vient dans son lieu ordinaire se coucher et dormir jusqu’au lendemain qu’il trouve un autre âne dans le même endroit, que les chasseurs y ont attaché comme le jour précédent ; et quand ils l’ont ainsi appâté et arrêté plusieurs jours dans ce même endroit et qu’ils savent que le roi est proche, ils attachent enfin un âne à qui ils font avaler quantité d’opium afin que sa chair puisse mieux assoupir le lion et, avec tous les paysans des villages circonvoisins, ils tendent de grands filets faits exprès qu’ils réduisent aussi peu à peu à un petit enclos comme il se fait dans la chasse des nilgauts. Tout étant ainsi préparé, le roi, monté sur un éléphant bardé de fer, accompagné du grand maître des chasses, de quelques omerahs montés sur des éléphants, de quantité de gourze-berdars à cheval et de plusieurs gardes des chasses à pied armés de demi-piques, s’approche des filets par le dehors et avec un gros mousqueton tire le lion. Quand il se sent blessé, il s’en vient droit à l’éléphant, car c’est là sa coutume ; mais il rencontre ces grands filets qui l’arrêtent et le roi lui tire tant de coups de mousqueton qu’à la fin il le tue. »

Source :
François Bernier, Un libertin dans l’Indes moghole – Les voyages de François Bernier (1656-1669) pp. 391-392

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s