Les fabuleuses richesses des Indes

Tous les voyageurs en Inde admirent les monuments laissés par les anciens dirigeants de l’Inde : empereurs, sultans, nababs ou maharajas. Plus d’un ont rêvé d’un passé grandiose devant le célèbre Taj Mahal, les luxueux palais du Rajasthan ou les magnifiques havelis du Shekhawati. Les historiens estiment d’ailleurs qu’en 1700, avant la colonisation, le PIB de l’Inde représentait plus de 20% du PIB mondial, alors qu’au moment de l’indépendance il n’atteignait même pas 5%.

Il faut cependant prendre garde d’avoir une vision trop caricaturale. Par exemple, ce PIB faramineux est largement relativisé par la part de la population Indienne dans la population mondiale, elle aussi supérieure à 20% à l’époque. Le PIB par habitant de l’Empire moghol était ainsi d’à peine plus de 550$, alors que celui de la France était de 1000$.Et surtout, cette richesse était très mal répartie. Comme François Bernier l’avait déjà noté pendant son séjour à la cour d’Aurangzeb vers la moitié du XVIIe siècle, une grande partie de la population indienne vivait dans une misère extrême.

Ici c’est une lettre d’un Jésuite que je partage, qui écrit à propos du Sud de l’Inde en 1713 :

Partout, et aux Indes plus qu’ailleurs, on voit des riches et des pauvres, des gens d’une haute naissance et d’autres dont la naissance est vile et obscure. Pour ce qui est des pauvres, ils y sont en très grand nombre. Une infinité de malheureux sont morts de faim depuis quatre ou cinq ans. D’autres ont été contraints de vendre leurs propres enfants et de se vendre eux-mêmes afin de pouvoir vivre. Il y en a qui travaillent toute la journée comme des forçats et qui gagnent à peine ce qui suffit précisément pour subsister ce jour-là même eux et leur famille. On voit une multitude de veuves qui n’ont pour tout fonds qu’une espèce de rouet à filer : on en voit plusieurs autres, tant hommes que femmes, dont l’indigence est telle qu’ils n’ont pour se couvrir qu’un méchant morceau de toile tout en lambeaux, et qui n’ont pas même une natte pour se coucher. Les maisons des paysans d’Europe sont des palais en comparaison des misérables taudis où la plupart de nos Indiens sont logés. Trois ou quatre pots de terre sont tous les meubles de leur cabane. Plusieurs de nos Chrétiens passent des années entières sans venir à l’église, faute d’avoir la petite provision de riz ou de millet nécessaire pour vivre durant le voyage.

Source :
Lettres édifiantes et curieuses des Jésuites de l’Inde au dix-huitième siècle, p.127

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